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Trop politique… Rocard et Pisani, mes références…

5 Juillet 2016 , Rédigé par niduab Publié dans #trop poli-tique

Très dure période que cette dernière quinzaine ! Lundi 20 juin disparaissait  Edgard Pisani, à l’âge de 97 ans, et avant-hier, samedi 2 juillet en soirée, les médias annonçaient le décès de Michel Rocard qui allait avoir 86 ans le mois prochain. Bien sûr la mort de Rocard et les hommages qui lui ont déjà été rendus sont beaucoup plus importants que ceux pour Pisani. C’est normal car Rocard fut 1er Ministre et a laissé dans la vie politique, peut-être devrais-je dire le jeu politique, une trace plus importante que Pisani qui n’avait plus de fonctions officielles depuis plus de vingt ans.

Tous les deux me sont chers parce que non seulement je les ai rencontrés, mais surtout beaucoup fréquentés par leurs livres, tribunes, engagements qui m’ont permis de structurer mon positionnement politique et en partie de canaliser mes engagements politiques et syndicaux. J’avoue qu’à 20 ans je ne comprenais pas grand chose à la politique ; je me disais plutôt gaulliste parce que mon père, mort quatre ans plus tôt, avait été gaulliste et fier de l’être. Je me souviens de son soulagement quand il apprit que les accords d’Evian allaient mettre fin à la guerre d’Algérie. Je crois qu’il pensait à ses fils adolescents alors qu’il jetait ses dernières forces à combattre le cancer qui le déchirait, à repousser l'échéance. Il est mort le 7 avril 1962, la veille du référendum par lequel les français répondirent ‘’Oui’’ à 91% au général De Gaulle. Il aurait eu 40 ans, un mois plus tard : ça laisse des traces dans la tête d’un môme de 15 ans. Des traces, des sentiments dont découlait une obligation de fidélité à sa mémoire, ses idées…..

A 20 ans j’entrais dans une autre famille, une famille de réfugiés espagnols, antifranquistes, républicains de gauche et c’est dans cette famille que j’ai commencé à entendre parler de politique et que je m’ouvrais à d’autres horizons ; il n’y avait donc pas que le rugby dans la vie, surtout dans celle d’un jeune homme d'un milieu très, très modeste.

En mars 1967 il y eut des élections législatives, mais je n’avais pas encore 21 ans et je n’étais donc pas en âge de voter. Ouf ! Ce n’était pas encore l’heure de trahir la mémoire du père.

En 1968, il y eut de grands changements : Je travaillais et suivais des cours au CNAM quand la jeunesse étudiante se révolta en mai. Je n’en fus pas acteur, toujours par fidélité, mais je n’étais pas non plus hostile au mouvement car ils me plaisaient bien ces jeunes qui avaient sensiblement mon âge, notamment Dany le rouquin. Début juin il y eut un autre changement qui explique aussi pourquoi j’ai suivi, quelque peu négligemment, le mouvement soixante-huitard : Notre mariage ! Et fin juin il y eut de nouvelles élections législatives qui se traduisirent par un  raz de marée gaulliste. Je n’ai pas voté car je ne m’étais inscrit sur les listes électorales. Cette fois, si j’avais pu faire mon devoir c’eut été pour la gauche (peut-être même communiste..... ??).

Le 27 avril 1969, j'aurais pu ou du voter au référendum que proposait De Gaulle : j’aurais sûrement choisi le ‘’Non’’ comme 53% des français et j'aurais ainsi bêtement trahi mon père en repoussant un projet de loi qui était, avec un début de régionalisation et une réforme du Senat, plutôt progressiste. Finalement je me souviens plus si trop j'ai voté ou non ou abstenu et c'est plus confortable aujourd'hui de ne pas se rappeler..... 

Quoiqu'il en soit De Gaulle quittait le pouvoir sur le champ et cinq semaines plus tard nous retournions aux urnes pour le 1er tour des élections présidentielles. Le 1er juin j’ai voté pour le candidat le plus sympa qui tenait à la télévision des propos innovants et intéressants même si je le trouvais un peu brouillon : c’était Michel Rocard, le candidat du PSU, qui réalisa un score de 3.65% ; un résultat qui n’était guère plus ridicule que celui du candidat SFIO, Gaston Deferre (5%). Je n’allais pas choisir au second tour entre Pompidou et Poher, deux hommes de droite, car Pilou et moi nous avions, entre temps, quitté la métropole pour rejoindre la Guyane où nous allions rester six mois.

Par la suite j'ai continué à voter pour les candidats du PSU ou de la SFIO jusqu’en juin 1971, date du congrès d’Epinay et la création du PS. C'est l'époque où j'ai commencé à me passionner à la politique en essayant de m'informer sérieusement, m’instruire en lisant beaucoup : Le Monde, Le Nouvel Obs mais aussi des livres pourtant très chers ….. 

En 1973 nous partions au Zaïre pour trois ans, sur le chantier du barrage d’Inget c’est là, loin des médias et de la civilisation, que j’ai découvert, grâce à un copain, les livres de René Dumont, dont «  L’Afrique est mal partie », puis « L’Utopie ou la mort » et «  Agronome de la faim. ». En avril 1974 après le décès de Georges Pompidou je n’ai pu participer au scrutin présidentiel faute de trouver à temps quelqu’un pour voter par procuration, en Arles où nous étions inscrits. Si j'avais pu voter j’aurais choisi René Dumont au 1er tour et Mitterrand au second. Je découvrais aussi par la presse que nous recevions avec plusieurs semaines de retard que de nombreux gaullistes de gauche s’étaient ralliés à Mitterrand au second tour. J’ai su aussi qu’en octobre 1974 ''Aux assises du socialisme'' Michel Rocard et une partie du PSU, Edgard Pisani et d’autres gaullistes de gauche, des syndicalistes notamment de la CFDT rejoignaient le Parti Socialiste. Du cœur de l’Afrique je décidai alors que ce noyau de nouveaux arrivants ce qu'on commençait à appeler la deuxième gauche, devait être ma famille politique : un mélange d’utopistes et de réformateurs.

Par contre je n’ai pas adhéré au PS. A la fin du chantier du Zaïre je suis parti rapidement en septembre 1976 pour le Maroc, toujours pour un chantier de barrage, celui d’Al Massira. Rejoint par la famille nous sommes restés trois ans dans ce pays où le suivi de la vie politique française était un peu plus facile. On recevait la presse avec beaucoup moins de décalage, on avait la télévision, on captait des radios françaises et à Casablanca je trouvais en librairie tous les bouquins que je voulais dont un certain « Socialiste de raison » d’Edgard Pisani. C’est l’époque où j’ai commencé à ‘’emmerder’’ mes amis avec des opinions tranchées, notamment sur des thèmes comme l’écologie et l’autogestion. J’ai aussi pu constater que Michel Rocard était dans l’ensemble beaucoup mieux vu que Mitterrand.

Rentré en France fin 79 pour un nouveau chantier de barrage, celui de Michelbach en Alsace, j’ai essayé de rejoindre le parti socialiste mais ça ne s’est pas fait : Ai-je trop vite indiqué que je me sentais rocardien ? J’ai peut-être aussi trop parlé de l’Afrique, ma marotte. Enfin bref, français de l’intérieur, ex-expatrié, je restais à l’extérieur tout en participant à des meetings de la campagne présidentielle de 1981 dont celui de Mulhouse l’avant-veille du second tour avec Michel Rocard en vedette américaine et François Mitterrand….. Et puis ce fut la victoire et le gouvernement Mauroy : un début de déception en constatant que Rocard n’avait pas obtenu un ministère significatif, digne de lui, contrairement à Jacques Delors que j’aimais bien aussi.

En 1983 nous retournions en Afrique, au Cameroun. Il n’était plus question de grands chantiers mais d’un poste de formateur au laboratoire des TP à Yaoundé. Pendant trois ans nous participâmes aux activités de l’ADFE, une association des français de gauche et j’ai enfin pu adhérer au parti socialiste français qui avait une petite section au sein de l’ADFE. Cette section d’une vingtaine de personnes était majoritairement rocardienne et était plutôt critique vis-à-vis de la politique africaine de Mitterrand. C’est à cette époque que j’ai découvert deux livres qui ont beaucoup compté pour moi : Le ‘’Mendes France’’ de Jean Lacouture et ‘’ La main et l’outil ’’ d’Edgard Pisani. Du coup, durant ce séjour camerounais où je lisais beaucoup ayant, pour la première fois dans ma carrière professionnelle, pas mal de temps libre et profitant des possibilités en approvisionnements qu’offrait le centre culturel français, j’ai ainsi pu lire deux autres livres de Pisani datant de 1979 et axés sur les défis économiques dans le monde. C’était le début d’un coup de foudre qui m’a conduit à acheter ensuite presque tous ses livres jusqu’au dernier de 2004 ‘’Un vieil homme et la terre’’. Je retiens en particulier ‘’Pour l’Afrique’’ de 1988, ‘’la passion de l’Etat’’ un entretien avec Jean Lacouture de 1998 et surtout ‘’ persiste et signe’ une autobiographie de 1991 qui m’a donné l’occasion de le rencontrer en avril 1992 et de l’interroger sur l’Europe, quelques mois avant le référendum sur le traité de Maastricht. 

Trop politique… Rocard et Pisani, mes références…Trop politique… Rocard et Pisani, mes références…

Je n’ai pas eu ce coup de cœur pour les livres de Michel Rocard d’ailleurs je n’en ai lu que trois ou quatre : ‘’Le cœur à l’ouvrage‘’ (1987), ‘’Les moyens d’en sortir‘’ (1996), ‘’Pour une autre Afrique‘’ (2001) et ‘’La gauche n’a plus le droit à l’erreur’’ (2013) en collaboration avec Pierre Larrouturou. A défaut d’avoir été un admirateur de la prose de Rocard je fus pour lui un très bon supporter au sein du PS (J’ai participé à plusieurs congrès sous ses couleurs) et naturellement je me suis encore plus investi quand il devint 1er ministre (Avec d’abord les accords de paix en Nouvelle Calédonie puis les réformes économiques et sociales). Je dois aussi rappeler qu’Edgard Pisani avait eu cette charge ministérielle à la fin du gouvernement Fabius, après avoir été entre 1981 et 1985 commissaire européen, chargé du développement. 

J’ai commencé à me sentir moins en phase avec Michel Rocard lorsqu’après avoir été écarté par Mitterrand de Matignon (mai 1991) il se crut obligé de prendre la direction du PS (octobre 1993) et dans le cadre d’alliances improbables (Mélenchon, entre autres, en était), bidouillage politique qui ne lui ressemblait guère. Quelle naïveté ! Il subit une grosse défaite aux élections européennes en juin 1994 en raison de la présence d’une liste Tapie, peau de banane mitterrandiste. Il dut quitter la tête du PS et abandonner l'idée d’être candidat à l’élection présidentielle de 1995. Je lui en ai voulu..... Il continuait cependant à tourner en province pour débattre et  c'est ainsi qu'il avait, gentiment, accepté de venir à Niort pour soutenir notre amie Geneviève en liste pour les législative de 1997. Il fut un court temps sénateur des Yvelines puis il finit sa carrière comme député au parlement européen (jusqu’en 2009), ce qui lui laissa plus de temps pour écrire (22 livres depuis 1995, mais j’en ai lu que trois déjà cités, notamment ‘’Pour une autre Afrique’’ que j’ai adoré). Bien que restant foncièrement rocardien dans l'âme (à quelques réserves près comme la réduction du temps de travail à 32 H./semaine voire moins, une idée qu'il partage avec Pierre Larrouturou) je cherchais d’autres voies….. ça a très bien commencé avec, à partir de 1994, une expérience rocardo-jospiniste dans une jeune motion dont les leaders étaient les talentueux Vincent Peillon et Christophe Clergeau, mais avec le temps va tout s’en va….. et la suite fut plus brouillonne, notamment avec le NPS qui s'est éparpillé façon puzzle ........ Mais ça c’est une autre histoire.

Je pense faire dans mon prochain billet, dès que les hebdomadaires seront sortis, une revue de presse concernant les hommages à Michel Rocard. Pour ce qui concerne Edgard Pisani je me contente de reproduire ici la très belle déclaration du président Hollande :

« Le président de la République salue "un esprit visionnaire, un réformateur ardent et un républicain détaché des querelles partisanes", un "résistant courageux" qui "avait libéré Paris les armes à la main" et "fit le choix de se consacrer au service public"Au ministère de l'Agriculture, "il fit entrer le monde rural dans la modernité. Inspirateur de la politique agricole commune, il avait compris que c'est en faisant le choix de l'Europe que la France serait plus forte". "En 1966, il réunit le ministère de la Construction et le ministère des Travaux publics et des Transports pour former le ministère de l'Equipement", poursuit la présidence de la République. 

"Il rejoignit le parti socialiste en 1974. Et en 1981, il fut nommé Commissaire européen. En 1984, la crise en Nouvelle-Calédonie justifie qu'il rentre au gouvernement pour contribuer à la recherche d'une solution d'apaisement que Michel Rocard, plus tard, parvint enfin à trouver et à mettre en œuvre", "Edgard Pisani croyait au progrès, à l'action politique, au dialogue des cultures. Sa longue expérience de l'Etat et sa haute stature morale en faisaient une voix écoutée au-delà de la France", souligne l'Elysée. »

Enfin pour finir ce billet j’emprunte quelques paragraphes du dernier chapitre du livre de Pisani «Persiste et signe» où il évoque ses rapports avec Rocard sous l’ère Mitterrand (et avec le président). 

«...J'adhérai au parti en même temps que Jacques Delors, Michel Rocard, Edmond Maire et d'autres, le jour même des ''Assises du socialisme''. Au cours d'un déplacement en province, je rencontrai Michel Rocard avec lequel je devais conduire un débat contradictoire. Nous fûmes frappés par la parenté de nos démarches. Une complicité s'établit aussitôt entre nous qui ne s'est jamais démentie.....» (p.435)

Quelques temps après son adhésion, Edgard Pisani fut invité par Miitterrand à Latché : «...Nous somme là sous la chênaie, lorsque le nom de Rocard vient entre nous. Il en parle avec un mélange de considération et d'irritation. Il le trouve très doué mais trop pressé. Il lui reproche à demi-mot d'avoir adhéré au Parti sans en avoir totalement accepté la discipline. Rocard fait cavalier seul au lieu de chercher le soutien de ceux qui l'ont accueilli.....J'ai passé une journée, intéressante. J'ai entrouvert les volets d'un homme que finalement je ne comprendrai jamais tout à fait.... Ce ne sont ni De Gaulle, ni Rocard qui nous séparent. Il doit bien y avoir autre chose....

Rien de semblable avec Michel Rocard. là je suis à mon aise. D'abord la camaraderie, un je ne sais quoi débraillée, mais chaleureuse. Une totale liberté de propos...... Peu à peu, je deviens l'un des animateurs des groupes de travail. j'y rencontre des jeunes hommes, éminents malgré leur âge. Je suis un peu gêné qu'ils soient presque tous fonctionnaires, et que derrière le militant, il y a chez beaucoup d'entre eux le candidat à quelque chose. Mais cela me parait vite normal. Nous sommes là au milieu d'une gauche qui en a marre de prophétiser et de critiquer. Elle veut gouverner .....  » (p.438-439)

«...Michel Rocard me demande de me consacrer davantage à ces travaux, d'en assurer la coordination, d'en préparer la synthèse. Il a l'audace de me dire, ne doutant de rien, qu'en cas de succès je pourrai jouer auprès de lui les tout premiers rôles. Ne doutant de rien non plus, j'ai l'audace de lui dire : « Tu sais, Michel, j'ai le sentiment d'avoir autant de titres que toi, je crois avoir la capacité de jouer le premier rôle. mais les choses sont autrement. Tu es le leader. Tu peux compter sur moi. L'idée ne me viendra jamais de te contrer ni d'entrer en concurrence avec toi mais je veux être informé de tout et avoir le doit de tout te dire.» Les choses étaient en ordre, l'action s'organisait et nous avions le sentiment que l'écoute s'amplifiait.» (p.440)

«...Je ne regrette pas d'avoir travaillé pour et auprès de Michel Rocard, j'en ai tiré de grandes joies, j'y ai beaucoup appris, je m'y suis lié avec beaucoup d'hommes de qualité. Je ne regrette pas du tout que François Mitterrand ait été choisi et élu d'abord parce que je ne suis pas sûr qu'à sa place Michel Rocard l'aurait emporté (en 1981), ensuite parce que je ne suis pas du tout sûr qu'il aurait fait alors un parcours présidentiel égal en qualité à celui de François Mitterrand. Je trouve que l'Histoire est assez bien faite qui transforme le concurrent en héritier. Elu, demain, Michel Rocard parviendra, à la magistrature suprême avec une maturité et une plénitude que son passage à Matignon aura considérablement accrue ...» (p.443)  Rappel, ce livre a été rédigé en 1991: Rocard a été débarqué de Matignon mais il ne s'était pas encore flingué en prenant la tête du PS. Il ne sera pas Président. Erreur de pronostic !

 

En complément, lire les deux deux billets intitulés ''de présidence en présidence '', d'avril 2012 (1 et  2)

( A suivre) 

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